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gotty
30 juillet 2008

Ah, mais tu fais quoi pour...

Voila une question qu'on me pose souvent quand je parle d'instaurer un certain changement, quel qu'il soit. "Tu te dis opposé au nucléaire. Mais tu proposes quoi comme énergie ?" "Tu dis qu'il faut moins consommer de pétrole. Mais tu fais quoi pour le banlieusard qui doit aller au boulot ?" "Tu dis qu'il ne faut pas prendre l'avion. Mais tu fais quoi pour les gens qui habitent loin de leur pays natal ?"

Ce à quoi je réponds : "Je n'en sais rien".

En fait, ces dialogues illustrent parfaitement la question de la soutenabilité forte ou faible, que j'avais évoquée précédemment. Ma conception du monde est que l'environnement prime sur tout, en ce qu'il est une contrainte inamovible. Je n'ai le droit qu'à 2 hectares d'empreinte écologique ? Et bien je n'utiliserai que 2 hectares. Je dois émettre moins de 2 tonnes de CO2 par an ? Soit. Je pose donc la contrainte environnementale en premier, et mon mode de vie, mon économie, mes possibilités s'adaptent en conséquence.

A l'inverse, mes interlocuteurs sont le plus souvent partisans d'une soutenabilité faible : "J'accepte d'agir pour l'environnement uniquement si cela ne gêne pas telle ou telle action". Bien sûr, ils sont conscients que la préservation de l'environnement est importante, mais ils sont persuadés que la Science pourra nous sauver : soit en permettant de réduire nos émissions, soit en rehaussant le seuil de nos émissions possibles. C'est une position certes plus confortable, en ce qu'elle ne nécessite aucune action et donc aucun changement ; il n'empêche qu'elle est du domaine de la croyance, de la foi.

Nous sommes naturellement enclin à être partisans d'une soutenabilité faible, puisqu'elle préserve notre mode de vie à court terme et repose sur l'incertitude du long terme. Pourtant, à l'échelle internationale, les français ont tendance à se ranger derrière la position de l'Union Européenne, prête à se conformer à des objectifs de réduction chiffrés, et conspuent nos cousins outre-Atlantique qui refusent des mesures coercitives et ne souhaitent pas que l'on touche à leur American way of life.

Comment on dit déja ? La poutre, la paille, l'hôpital et la charité ?

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Commentaires
G
@FabriceD : Oui, mais en fait non.<br /> <br /> Il faut bien comprendre qu'il y a deux raisonnements différents qui peuvent transparaître dans mes billets :<br /> <br /> 1. Le "catastrophisme éclairé". Dans ce billet-ci par exemple, je pense montrer que le changement n'est pas une question de choix ou de croyance, mais une nécéssité. Quand une tornade arrive sur ta cabane, tu as deux choix : soit tu espères renforcer assez ta maison d'ici à l'arrivée, soit tu t'enfuies. Tu peux ne pas savoir où t'enfuir, ne pas savoir comment tu mangeras pour la semaine à venir, tu n'as juste pas le choix. La conviction ne réside pas dans le fait que tu vivras mieux, mais que tu vivras tout court. C'est ce raisonnement qui est suivi d'un "Je ne sais pas". En effet, il faut agir, mais l'on n'est pas forcément conscient des conséquences. Je dis donc, par exemple, "Emettre trop de gaz à effet de serre est dangereux, et le risque est avéré. Il FAUT donc arrêter d'émettre ces gaz" et ce, qu'elle que soit l'alternative choisie.<br /> <br /> 2. Les raisonnements "systémiques" : pour émettre moins de gaz à effet de serre, l'une des solutions est une économie de décroissance. Si je prône un tel système, je te l'accorde, je suis obligé de répondre à la question du "Comment ?", car d'autres systèmes alternatifs sont possibles, et peut-être que leur "Comment" est plus pertinent que celui de la décroissance.<br /> <br /> <br /> Dans le premier cas, on parle donc bien d'un "Je ne sais pas encore". Quant au second cas, je le reconnaît, il n'est pas tolérable de n'avoir aucune idée des conséquences.<br /> <br /> C'est plus clair ?
T
Question de mentalités.<br /> <br /> Je suis en train de doubler sur une nationale et un camion m'arrive en face, j'ai le choix entre accélérer en espérant que ma voiture soit assez puissante, ou freiner pour abandonner le dépassement. Certains trouveront ça "couille-molle" de ralentir et qu'en faisant comme ça on n'apprendra jamais à doubler un camion.<br /> <br /> A méditer, sachant que les décroissants pourront toujours dire "accélérer ou ralentir, on s'en fout on n'a pas de voiture".
F
Tu te méprends sur la raison pour laquelle tes interlocuteurs te posent ces questions.<br /> <br /> Quand tu proposes un changement, quel qu'il soit, et qu'on te demande comment tu traiteras telle ou telle conséquence prévisible, il ne s'agit pas de dire que le changement n'est pas souhaitable ou qu'il n'est pas faisable ; il s'agit juste de savoir comment, en pratique, tu comptes t'y prendre.<br /> <br /> Si ton "je ne sais pas" est un "je ne sais pas encore", c'est acceptable. Mais s'il signifie "ce n'est pas le problème : voilà ce qu'il faut faire, l'intendance suivra", ça ne peut pas marcher.<br /> <br /> Tu ne peux pas effectuer le moindre changement sans l'accompagner : que ce soit en convainquant ceux qui le subiront de son bien-fondé ou en te mettant en situation de l'imposer par la force. Si tu ne cherches pas à répondre à ces questions, tu rends impossible le changement même que tu promeus.
G
Je voulais par ce billet expliquer en quoi la soutenabilité forte m'apparaissait comme plus pertinente. Et là, je vais peut-être me faire taper sur les doigts, mais c'est pour moi une position "scientifique" : <br /> <br /> 1. il est scientifiquement prouvé que le mode de vie actuel n'est pas durable.<br /> <br /> 2. changer ce mode de vie ne peut-être qu'un bien, mais le jeu des interactions est si complexe qu'on ne peut pas dire que ce "bien" soit suffisant pour l'environnement<br /> <br /> 3. ce nouveau mode de vie aura évidemment des conséquences sur l'homme, que je ne peux prévoir<br /> <br /> 4. d'où mon "Je ne sais pas".<br /> <br /> Il me semble que la préservation de l'environnement doit passer avant tout, car elle conditionne la préservation de l'espèce humaine. Ma position ne me parait donc pas "aveugle". Effectivement, tu as raison, mes interlocuteurs pensent souvent le contraire : c'est l'homme qui pourra changer l'environnement par la science, et je ne critique pas le fait qu'il place tel chose devant tel autre, mais bien plus précisément qu'ils placent l'homme devant l'environnement. Ce n'est pas le raisonnement que je rejette, c'est la conclusion.<br /> <br /> Comme le dit si bien Serge Latouche, on est tous dans le même train qui fonce droit dans le mur. Certains (comme moi) veulent prendre un aiguillage, sans pouvoir trop prédire où il mène. D'autres préfèrent continuer à accélérer sur la même voie, en espérant qu'un jour des ailes nous poussent pour nous envoler au-dessus du mur.
R
Je ne veux pas parler du fond, mais n'y aurait-il pas une contradiction logique dans ton raisonnement ?<br /> <br /> Tu reproches à tes "interlocuteurs" leur inaction, mais d'un autre côté tu prônes de placer la contrainte environnementale devant toute autre contrainte comme a priori, axiome ; aveuglément en fait. Et tu justifies cela par un "je ne sais pas" pour les détails.... Cela me semble difficilement soutenable. <br /> <br /> Comment peut-on se lancer dans un comportement, une éthique de vie sans en savoir les conséquences à long terme ? C'est ce que tu reproches à tes interlocuteurs dont la vie quotidienne est faite de soutenabilité faible, de se fonder sur quelque chose qui ressemble à une foi ; or c'est justement ce que tu dis de faire avec la soutenabilité forte. Le "je ne sais pas" étant alors la règle. Tu dis exactement de faire avec la soutenabilité forte ce que d'autres font avec la faible, ça ne tient pas !<br /> <br /> Je pense que ce n'est donc pas que tant que tes (décidément...) interlocuteurs te demandent de répondre à tous les grands problèmes actuels liés à l'environnement (transport, énergie), mais bien plutôt qu'ils refusent de poser comme fondement quelque chose qu'eux trouvent aussi peu acceptable sur le long terme que toi la soutenabilité faible.
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